Pourquoi seulement les XIIe, XIIIe et XIVe siècles
Les maisons antérieures au XIIe siècle et conservées
en élévation sont très rares. D’après nos
connaissances actuelles, Cahors ne conserve de ces époques que des
fragments de maçonnerie, bien insuffisants pour reconstituer l’aspect
des maisons.
La plus ancienne maçonnerie attribuable au Moyen Âge se trouve
dans l'élévation
est du n° 4 Impasse de la Citadelle. Sa lecture n'est pas aisée
car des remaniements de plusieurs époques s'y superposent. Néanmoins,
on distingue vers le centre de la moitié inférieure du mur un
appareil
constitué de moellons
de grosseur très variable, pas assisés mais noyés dans
le mortier et mêlés à des fragments de brique et de grès
en remploi.
Toute la maçonnerie autour de ces vestiges est plus récente.
Faute d’une forme ou d’un décor sculpté caractéristique,
ce n'est qu'une certaine similitude avec les appareils
du Haut Moyen Âge et l' aspect hétérogène et irrégulier
de ces moellons
(peu compatible avec ce qu'on sait des constructions postérieures au
XIe siècle) qui nous suggère une datation antérieure.
À l’autre extrémité de la période, c’est
la guerre de Cent Ans qui fixe la fin du Moyen Âge tel que nous le percevons
à travers l’architecture civile de Cahors. (Et cela se vérifie
dans de nombreuses autres villes.) En 1400, la guerre, la famine et la peste
ont emporté la moitié de la population cadurcienne. En l'absence
de datations sûres, on ne sait si la reprise se fait dès les
premières décennies du XVe siècle, où s'il faut
attendre 1444 et la fin de la guerre de Cent Ans.
Les modèles architecturaux, les techniques de construction et les décors
sont très différents de ceux des XIIe-XIVe siècles. L’escalier
en vis a remplacé le "grand degré" extérieur.
La brique a presque entièrement disparu. Les maçonneries sont
en moellons de calcaire mêlés de nombreux remplois, et enduites.
Le grès de Figeac est remplacé par un calcaire blanc et tendre,
utilisé aussi bien pour les encadrements des baies que pour la sculpture.
Les maisons "romanes" du XIIe et du début du XIIIe siècle
Au début du XIIe siècle, l'utilisation de matériaux
en remploi est abandonnée. L'appareil
est alors constitué de moellons
de calcaire froid "de Cahors" grossièrement équarris.
Leur disposition est néanmoins assez régulière, même
si des pierres de calage sont nécessaires autour des baies, sous les
appuis
et au contact des chaînes des piédroits.
Les encadrements des fenêtres de l'étage et de la porte du rez-de-chaussée
étaient en revanche réalisés en pierre
de taille du même calcaire froid. Comme dans l'exemple de l'arc
couvrant une niche au n°
57 rue Clément-Marot, leur mise en oeuvre est particulière
: ni l'arc non extradosé
ni les piédroits
de la porte ne présentent de chanfrein, ce qui constitue le repère
chronologique le plus sûr pour cette période, grâce notamment
aux rapprochements qu'il permet, en particulier avec le portail sud de la
cathédrale Saint-Étienne [notice],
daté vers 1130, et la porte de l'escalier voisin, plus proche encore
des formes de l'architecture civile.
L'appareil se régularise progressivement le long du XIIe siècle pour aller du moellon équarri vers la pierre de taille. Un exemple en est le n° 63 de la rue du Château-du-roi [notice], dont l'appareil est constitué de moellons mieux équarris et d'assises plus régulières que ceux du début du siècle. On note la quasi absence de pierres de calage et l'aspect relativement régulier de l'extrados des arcs. Leur tracé est encore très proche du plein cintre, la brisure étant à peine perceptible. Des claveaux étroits couvrent des portes dont le chanfrein est très large, jusqu'à 22 cm, alors que dans les constructions des XIIIe et XIVe siècles les chanfreins ont rarement plus de 7 cm.
La pierre de taille et la brique des XIIIe et XIVe siècles
À partir de la fin du XIIe siècle, l'engouement pour la belle construction aboutit à des appareils réglés, dont les pierres sont soigneusement taillées et posées en assises très régulières presque sans joint. Ce goût des maçonneries très soignées a sans doute favorisé l’adoption de la brique, matériau régulier par excellence et d’un moindre coût, provoquant la raréfaction des élévations entièrement en pierre de taille. La pierre reste cependant le matériau des édifices les plus prestigieux et de quelques demeures qui apparaissent de ce fait exceptionnelles. Ainsi, la pierre de taille est le matériau de l'église Saint-Urcisse (XIIIe et XIVe siècles), du pont Neuf (deuxième moitié du XIIIe siècle), du massif occidental de la cathédrale (dernier quart du XIIIe siècle), du palais Duèze (vers 1300), du pont Valentré, de la tour du palais de Via, des chapelles orientales et du portail de l'église Saint-Barthélemy (première moitié du XIVe siècle). La brique n’en devient pas moins le matériau le plus abondamment employé au cours des XIIIe et XIVe siècles : plus de la moitié des maisons de Cahors sont en brique, y compris de grandes demeures patriciennes comme l’hôtel du N° 52 rue de Lastié ou l’hôtel de Vayrols (N° 321-333 rue Nationale), construits dans les années 1260-1270, ou les ailes du palais de Via, du début du XIVe siècle.